‡+ TROP TARD ‡+

Nous ne cherchons pas le Beau. Nous aimons ce qui est laid quand tout semble beau, ce qui est sale lorsque tout est propre. La perfection simulée nous écœure ; nous chérissons l’imperfection quand elle est obligatoire, la cicatrice qui prouve que la chair a vécu, le grésillement de la bande qui atteste de l’urgence. Notre art est une vérité souillée. Nous ne racontons pas le drame. Nous auscultons ce qui survit après : le « post-drame ». Notre domaine est celui des « êtres qui s’égarent » après que l’instant fatal a eu lieu. Nous ne peignons pas l’incendie, mais le froid des cendres ; pas le cri, mais l’écho qui hante le silence qui suit. Notre chant est celui des Sirènes, un art fatal qui ne promet pas le salut, mais un anéantissement sublime. Nous ne créons pas pour passer le temps, mais pour l’abolir16. Chaque note, chaque mot est une tentative pour creuser une issue hors de la prison des heures, pour atteindre ce vide où la douleur, enfin, se tait. Notre nom n'est pas un regret. C'est un constat. Une prise de conscience brutale : quand on comprend, il est déjà trop tard. Nous sommes la prophétie de notre propre fin, le miroir tendu à un monde qui refuse de voir que le verdict est tombé depuis longtemps. Nous sommes Trop Tard.